Suisse - FranceLE MOUVEMENT PERPÉTUEL
Raymond Domenech a utilisé trente-trois joueurs dont trente titulaires, cinq systèmes de jeu, et pas mal de coups tactiques en neuf matches qualificatifs pour la Coupe du monde. C'est une équipe toujours en chantier qui tentera de boucler l'affaire contre Chypre mercredi.
A la recherche de la bonne formule. (L'Equipe)
A retenirLES 33 JOUEURS UTILISES (EN 9 MATCHES)
> 9 titularisations :
William GALLAS
> 8 titularisations :
Patrick VIEIRA
> 6 titularisations :
Sylvain WILTORD (+1 entrée), Gaël GIVET (+ 1), Thierry HENRY
> 5 titularisations :
Grégory COUPET, Jean-Alain BOUMSONG
> 4 titularisations :
Sébastien SQUILLACI (+1), Fabien BARTHEZ, Willy SAGNOL, Claude MAKELELE, Florent MALOUDA
> 3 titularisations :
Vikash DHORASOO (+2), Lilian THURAM, Robert PIRES, Benoît PEDRETTI, Zinédine ZIDANE
> 2 titularisations :
Djibril CISSE (+3), Patrice EVRA (+1), Ludovic GIULY (+1), Olivier DACOURT, Mikaël SILVESTRE, Louis SAHA, David TREZEGUET
> 1 titularisation :
Alou DIARRA (+2), Anthony REVEILLERE, Bernard MENDY, Jérôme ROTHEN, Antonio Rio MAVUBA, Peguy LUYINDULA
> Entrés en cours de jeu :
Sidney GOVOU (3 fois), Camel MERIEM (1), Daniel MOREIRA (1)
QUELLE EQUIPE CONTRE CHYPRE ?
Raymond Domenech doit organiser, en vue du dernier match mercredi, une équipe privée de Makelele (suspendu), enregistrant le retour de Sagol (sans doute à la place de Réveillère), obligée de gagner pour être certaine de ne pas être éliminée, et qui serait bien inspirée de mettre un "carton" à son adversaire pour se prémunir d'une victoire suisse à Lansdowne Road. En considérant que Zidane et Thuram seront de nouveau aptes à jouer, cela reste une équation à plusieurs inconnues.
Concernant le remplacement de Claude Makelele, le sélectionneur peut choisir d'aligner Alou Diarra à sa place dans un remplacement poste par poste par rapport à l'équipe de Berne. Le plus probable est pourtant qu'il fasse reculer d'un cran Vikash Dhorasoo, très bon quand il a été sur le terrain samedi, pour insuffler technique et vitesse à une équipe qui aura besoin de marquer. Une telle solution rendrait possible les titularisations conjointe de Zidane, Malouda, Wiltord et Cissé, meilleur buteur français de ces éliminatoires (4 buts).
Le choix de l'animation est aussi ouvert. Raymond Domenech peut privilégier le 4-2-3-1 mis en place au moment du retour de Zidane, un 4-4-2 avec un milieu en losange (Vieira, Dhorasoo, Malouda, Zidane) qui semble convenir aux profils de ses joueurs, ou le 4-1-3-2 déséquilibré qui avait été choisi contre les Iles Féroé (3-0).
Côté chypriote, le buteur Yannis Okkas est suspendu. C'est lui qui avait mis Desailly et Coupet au supplice en début de match, de la difficile victoire de Nicosie en septembre 2002, finissant même par ouvrir le score. Il sera remplacé par son équipier à l'Olympiakos, Mihalis Konstantinou. Les deux hommes jouent la Ligue des champions. Chypre devrait évoluer en 4-5-1 pour muscler son milieu de terrain.
«Une moyenne de quatre changements par match»
Habituellement philosophe face aux «aléas et aux impondérables du football», Raymond Domenech a laissé percer, pour la première fois, une sincère désolation dans les minutes suivant le match nul en Suisse (1-1). «On a tellement souffert toute la semaine avec tous ces pépins, tous ces soucis...» La rencontre de Berne, voulait-il dire, était offerte à une équipe aux réserves bien entamées. Trop, même si cela n'explique pas tout de cet échec, vécu comme une défaite. Deux titulaires suspendus (Barthez, Sagnol), deux autres blessés (Henry, Trezeguet), trois cadres en mal d'entraînement voire hors de forme (Zidane, Thuram,Vieira), sans compter les indisponibilités d'Abidal et Givet : il y en avait assez pour démoraliser le staff le plus solide.
Fidèle à une ligne de conduite tracée très tôt («Quand on se plie à des carcans trop fermés, on s'empêche toute créativité»), celui-ci a géré la situation en procédant à deux audaces tactiques inattendues : la titularisation de Wiltord en pointe, et le basculement de Dhorasoo à droite, se privant de son attaquant étiquetté numéro trois, Djibril Cissé. Ce type de scénario reste un "classique" de l'ère Domenech. Très décevant sur le plan collectif, Suisse - France fut comme un résumé caricatural de treize mois d'éliminatoires. Le sens du contre-pied de Raymond Domenech, un amateur de coups tactiques par ailleurs disposé, au moins jusqu'à cette rentrée, à lancer des jeunes joueurs dans le grand bain, s'est toujours ajouté aux coups du sort pour créer les conditions d'un remarquable turn-over.
«Je n'ai pas l'impression que ça a été très simple jusqu'à présent, confessait Domenech la semaine dernière dans un sourire un peu jaune, le jour même où le forfait de Trezeguet était officialisé. (...) Je n'ai pas aligné deux fois de suite la même équipe depuis ma nomination. La plupart du temps, c'était par obligation. » La veille d'Irlande - France (0-1), le mois dernier, le quotidien dublinois "The Irish Examiner" avait cru déceler dans cette instabilité chronique le vrai talon d'Achille de cette équipe française, les retours de Zidane, Thuram et Makelele ayant de ce point de vue compliqué la donne. «Domenech, maître dans l'art de changer les hommes, a fait une moyenne de quatre changements entre chaque match, notait le quotidien. Même en comptant les suspensions, les blessures et les retours, c'est énorme.» Le bilan de Brian Kerr - deux fois moins de changements, douze joueurs de moins utilisés - était par ailleurs présenté comme exemplaire, avant le premier succès français à Dublin depuis 1953 (1-0)... La première partie de la proposition n'est cependant pas fausse : l'équipe de France version Coupe du monde 2006 est une équipe en recherche permanente, qui n'a pour l'instant pas trouvé grand-chose.
Gallas, le seul à avoir tout joué
Le résumé des faits est impressionnant. Le système de jeu ne s'est jamais vraiment stabilisé, passant du 3-5-2, au 4-4-2, puis au 4-5-1 sous diverses variations : le 4-3-3 avec trois récupérateurs, le 4-1-3-2 bâti pour les Féroé (et pour Chypre ? Voir ci-contre), le 4-2-3-1 taillé pour Zidane. Trente titulaires et trente-trois joueurs au total ont été utilisés. Un seul a participé à chaque match, William Gallas, mais à deux postes différents (latéral droit et latéral gauche), aucun n'étant naturel à ses yeux. Jamais l'association la plus évidente en attaque (Henry-Trezeguet) n'a pu être alignée. A la place, quatre duos ont vu le jour et trois joueurs différents ont joué seuls en pointe. Trois défenses centrales se sont dessinées (Squillaci - Givet, Boumsong - Givet, Thuram - Boumsong), mais aucune n'a enchaîné plus de trois matches dans le même système. A la récupération, une longue parenthèse entre le premier et le septième match, confié à la paire Vieira - Makelele, a vu passer cinq autres joueurs, avec une tentative avortée composée de Pedretti et Vieira. La liste des joueurs que Domenech a retenus puis abandonnés donne une idée de l'importance du chantier : Pires, Dacourt, Silvestre, Mendy, Evra, et Saha ne sont pas revenus en 2005 (les trois premiers semblent radiés des listes). Mavuba, Rothen, Diarra, Luyindula et Réveillère n'ont débuté qu'un match.
Il ne faut pas tellement s'étonner, dans ces conditions, que le collectif ait été si grippé le soir même où l'enjeu méritait qu'un cap soit franchi, samedi. Mieux vaut méditer le propos qu'avait tenu Raymond Domenech au lendemain d'un discret France - Suède amical en février dernier (1-1). «On n'invente pas une équipe. Il faut qu'elle fasse des matches, qu'elle ait un vécu, notait le sélectionneur alors que les retours des anciens relevait de la science-fiction. Il faut une certaine stabilité. Ce que j'entends par stabilité, c'est la situation de 1998, quand on connaît, à un ou deux postes près, les onze qui vont attaquer le match. Toutes les grandes équipes tendent vers ça. L'idéal c'est d'arriver un jour dans la situation où il y a des titulaires, et des remplaçants qui se battent pour les suppléer occasionnellement. Je ne sais pas quand ça arrivera.» Pas pour France - Chypre, en tout cas. Sagnol revient de suspension et Makelele doit à son tour s'effacer pour raisons disciplinaires. En imaginant que Thuram et Zidane seront en état de jouer, ça ne fera jamais que deux changements forcés. Ce serait un beau score, par les temps qui courent.
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